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LA RÉVOLUTION

VI

Non que cette minorité se soit accrue depuis le 10 août ; au contraire. — Le 19 novembre 1792, son candidat à la mairie, Lhuillier, n’a obtenu que 4896 voix[1]. Le 18 juin 1793, son candidat au commandement de la garde nationale, Henriot, n’aura que 4573 suffrages ; pour le faire élire, il faudra, à deux reprises, annuler l’élection, imposer le vote à haute voix, dispenser les votants de montrer leur carte de section, ce qui permettra aux affidés de se présenter successivement dans les divers quartiers et de doubler leur nombre apparent en donnant chacun deux ou trois fois leur vote[2]. En tout, il n’y a pas à Paris six mille Jacobins, bons sans-culottes et partisans de la Montagne[3]. Ordinairement, dans une assemblée de section, ils sont « dix ou quinze », au plus « trente ou quarante », « con-

  1. Mortimer-Ternaux, V, 101.
  2. Meillan, 54. — Raffet, concurrent d’Henriot et dénoncé comme aristocrate, eut d’abord plus de voix que lui, 4 953 contre 4 578. Au dernier scrutin, sur 15 000, il a encore 5 900 contre 9 087 à Henriot. — Mortimer-Ternaux, VIII, 31 : « Les électeurs durent voter à haute voix ; tous ceux qui se hasardèrent à donner leurs suffrages à Raffet étaient marqués d’une croix rouge sur le registre d’appel, et l’on faisait suivre leurs noms de l’épithète de contre-révolutionnaires. »
  3. Schmidt, II, 37 (Dutard, 13 juin) : « Marat et autres ont un parti de quatre mille à six mille hommes qui feraient tous les efforts pour les sauver. » — Meillan, 188 (Dépositions recueillies par la commission des Douze) : « Laforêt a dit qu’ils étaient au nombre de six mille sans-culottes prêts à massacrer au premier signal les mauvais députés. » — Schmidt, II, 87 (Dutard, 24 juin) : « Je sais qu’il ne reste pas dans tout Paris trois mille révolutionnaires décidés. »