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LA RÉVOLUTION


rue des Lombards, rue des Cinq-Diamants, rue Beaurepaire, rue Montmartre, dans l’île Saint-Louis, sur le port au Blé, devant l’Hôtel de Ville, rue Saint-Jacques, bref dans douze cents boutiques, on pille non seulement les denrées de première nécessité, savon et chandelle, mais encore le sucre, l’eau-de-vie, la cannelle, la vanille, l’indigo et le thé. « Rue de la Bourdonnais, plusieurs personnes sortaient avec des pains de sucre qu’elles n’avaient pas payés et qu’elles revendaient. » C’est un coup monté : comme au 5 octobre 1789, on voit, parmi les femmes, « beaucoup d’hommes déguisés qui n’ont pas même pris la précaution de faire leur barbe », et, en quelques endroits, grâce au désordre, ils s’en donnent à cœur joie. Les pieds dans le feu ou le front sous un pistolet, le maître de la maison est contraint de leur livrer « or, argent, assignats et bijoux », trop heureux quand sa femme et ses filles ne sont pas outragées devant lui, comme dans une ville prise d’assaut.

VII

Tel est le peuple politique qui, à partir des derniers mois de 1792, règne sur Paris et, à travers Paris, sur la France, cinq mille brutes ou vauriens[1] avec deux mille

  1. Cf. Éd. Fleury, Babeuf, 139 et 150. — Par une coïncidence frappante, le personnel du parti se trouve encore le même en 1796. Babeuf estime qu’il a pour adhérents dans Paris « 4000 révolutionnaires, 1500 membres des anciennes autorités, 1000 canonniers bourgeois, » outre des militaires, des détenus et des gens de la police. Il a recruté aussi beaucoup de filles ;