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LA SECONDE ÉTAPE DE LA CONQUÊTE


légitime est l’établissement définitif de leur omnipotence, s’ils appellent ordre et justice l’arbitraire illimité qu’ils exercent sur les biens et sur les vies, si leur instinct, court et violent comme celui d’un bey, ne comprend que les mesures extrêmes et destructives, arrestations, déportations, confiscations, exécutions, tout cela accompli le front haut, avec joie, comme un office patriotique, en vertu d’un sacerdoce moral, au nom du peuple, soit directement et tumultuairement par leurs propres mains, soit indirectement et régulièrement par les mains de leurs élus dociles. Leur politique se réduit à cela ; rien ne les en décrochera ; car ils y sont ancrés de tout le poids et de toutes les attaches de leur immoralité, de leur ignorance et de leur bêtise. À travers l’hypocrisie des parades obligatoires, leur idée fixe s’impose au parleur pour qu’il la mette en tirade, au législateur pour qu’il la mette en décret, à l’administrateur pour qu’il la mette en œuvre, et, depuis leur entrée en campagne jusqu’à leur victoire, ils n’y souffriront qu’une variante, une variante légère. Au mois de septembre 1792, ils disaient par leurs actes : « Ceux qui ne pensent pas comme nous seront assassinés, et nous aurons leur or, leurs bijoux, leurs portefeuilles ». Au mois de novembre 1793, ils diront par l’institution officielle du gouvernement révolutionnaire : « Ceux qui ne pensent pas comme nous seront

    25 millions de Français plutôt qu’une seule fois la république une et indivisible ! »