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LA RÉVOLUTION


« ce délit ». Vainement la majorité s’indigne contre « la troupe de gredins soldés » qui l’obsèdent et qui l’oppriment ; tout en réclamant et en protestant, elle subit cette obsession et cette oppression. « Effroyables lutte, dit un député[1], cris, murmures, trépignements, huées… Les injures les plus ordurières ont été vomies par les tribunes. » — « Depuis longtemps, dit un autre, on ne peut parler ici si l’on n’a obtenu leur permission[2]. » Le jour où Buzot obtient la parole contre Marat, « elles entrent en fureur, hurlent, trépignent et menacent[3] » ; chaque fois que Buzot veut commencer, les clameurs couvrent sa voix, et il reste une demi-heure à la tribune sans pouvoir achever une phrase. Aux appels nominaux surtout, les cris ressemblent à ceux de la foule en délire qui, dans un cirque espagnol, suit des yeux et du cœur le combat des picadors et du taureau : « vociférations de cannibales » à chaque fois qu’un député ne vote pas la mort du roi, ou vote l’appel au peuple ; « huées interminables » chaque fois qu’un député vote l’accusation de Marat. « Je déclare, disent des députés à la tribune, que je ne suis pas libre ici ; je déclare qu’on me fait délibérer sous le couteau[4]. »

  1. Moniteur, XIV, 795, 19 décembre 1792. Discours de Lanjuinais.
  2. Buchez et Roux, XX, 5, 396, séance du 11 avril 1793. Discours de Lauze-Deperret.
  3. Dauban, 143. Lettre de Valazé, 14 avril. — Cf. Moniteur, XIV, 746, séance du 14 décembre. — Ib., 800, séance du 20 décembre, tout entière. — Ib., 853, séance du 26 décembre.
  4. Discours de Salle. — Lanjuinais dit aussi : « On paraît déli-