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LA SECONDE ÉTAPE DE LA CONQUÊTE


et ils entreprennent « le déménagement des maisons des émigrés[1] ». Dans les églises de Paris, ils confisquent « les crucifix, lutrins, cloches, grilles, tout ce qui est en bronze » ou fer, chandeliers, ostensoirs, vases, reliquaires, statues, tout ce qui est « objet d’argenterie », tant « sur les autels que dans les sacristies[2] », et l’on devine l’énormité du butin : pour emporter l’argenterie de la seule église de la Madeleine-la-Ville-l’Évêque, il fallut une voiture à quatre chevaux. — Or, de tout cet argent si librement saisi, ils usent aussi librement que du pouvoir lui-même. Tel, aux Tuileries, sans vergogne aucune, remplissait ses poches ; un autre, au Garde-Meuble, fouille les secrétaires et emporte une armoire pleine d’effets[3] ; on a déjà vu que, dans les dépôts de la Commune, « la plupart des scellés se trouvèrent brisés », que des valeurs énormes en argenterie, bijoux, or et argent monnayé disparurent ; les interrogatoires et les comptes ultérieurs imputeront au Comité de surveillance « des soustractions, dilapidations, malversations », bref « un ensemble de violations et d’infidélités ». — Quand

  1. Mémoires sur les journées de septembre (édit. Barrière et Berville, 307-322). État des sommes payées par le trésorier de la Commune. — Sur la prolongation de ces vols, voyez le rapport de Roland du 29 octobre, enlèvement de l’argent, de l’argenterie et des assignats de l’hôpital de Senlis (13 septembre), déménagement de l’hôtel de Coigny, vente du mobilier de l’hôtel d’Egmont, etc.
  2. Procès-verbaux de la Commune, 17 et 20 août. — État des sommes payées par le trésorier de la Commune, 321. — Le 28 août, un Saint Roch d’argent est apporté à la barre de l’Assemblée nationale.
  3. Mortimer-Ternaux, III, 150, 161, 511. — Rapport de Roland du 29 octobre, 414. »