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LA SECONDE ÉTAPE DE LA CONQUÊTE


principes de la révolution, mais d’en sauver les hommes. Devant cette nécessité de plus en plus poignante, nombre de députés indécis suivent le courant, laissent faire les Montagnards et se détachent des Girondins.

Et, ce qui est plus grave, par delà toutes ces défections, la Gironde se manque à elle-même. Non seulement elle ne sait pas faire une ligue, être un corps ; non seulement « la seule pensée d’une démarche collective la révolte, chacun de ses membres voulant être indépendant, se conduire à sa manière[1] », présenter sa motion sans prévenir les autres et voter à l’occasion contre son parti ; mais de plus, par son principe abstrait, elle est d’accord avec ses adversaires, et, sur la pente fatale où ses instincts d’honneur et d’humanité la retiennent encore, ce dogme commun, comme un poids intérieur, la fait glisser de plus en plus bas, jusque dans l’abîme sans fond ou l’État, selon là formule de Jean-Jacques, omnipotent, philosophe, anticatholique, antichrétien, autoritaire, égalitaire, intolérant et propagandiste, confisque l’éducation, nivelle les fortunes, persécute l’Église, opprime la conscience, écrase l’individu et, par la force militaire, impose sa forme à l’étranger[2]. Au fond, sauf un excès de brutalité

  1. Meillan, 100,
  2. Discours de Ducos, 20 mars : « Il faut opter entre l’éducation domestique et la liberté. Tant que, par une éducation commune, vous n’aurez pas rapproché le pauvre du riche, c’est en vain que vos lois proclameront la sainte Égalité. » — Rabaut-Saint-Étienne : « Dans chaque canton, on érigera un temple national où, chaque dimanche, les officiers municipaux donneront une leçon morale aux citoyens assemblés. Cette leçon sera tirée


  la révolution. iv.
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