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LA SECONDE ÉTAPE DE LA CONQUÊTE


Marat, apprenant que le commandant Raffet fait évacuer les couloirs, vient à lui « un pistolet à la main et le met en État d’arrestation[1] » : car il faut respecter le peuple, le droit sacré de pétition et les pétitionnaires. Il y en a « cinq ou six cents, presque tous en armes[2] », qui depuis trois heures stationnent aux portes de la salle ; au dernier moment, deux autres troupes, envoyées par les Gravilliers et par la Croix-Rouge, viennent leur apporter l’afflux final. Ainsi accrus, ils débordent au delà des bancs qui leur sont assignés, se répandent dans la salle, se mêlent aux députés qui siègent encore. Il est plus de minuit ; nombre de représentants, excédés de fatigue et de dégoût, sont partis ; Pétion, La Source et quelques autres, qui veulent rentrer, « ne peuvent percer la foule menaçante ». Par compensation et à la place des absents, les pétitionnaires, s’érigeant eux-mêmes en représentants de la France, votent avec la Montagne, et le président jacobin, loin de les renvoyer, les invite lui-même « à écarter tous les obstacles qui s’opposent au bien du peuple ». Dans cette foule gesticulante, sous le demi-jour des lampes fumeuses, au milieu du tintamarre des tribunes, on n’entend pas bien quelle motion est mise aux voix ; on distingue mal qui reste assis ou qui se lève ; et deux décrets passent ou semblent passer, l’un qui élargit Hébert et ses complices, l’autre qui casse la commission des Douze[3]. Aussitôt des

  1. Buchez et Roux, XXVII, 259 (Paroles de Buffet).
  2. Meillan, 44. — Buchez et Roux, XXVII, 267, 280.
  3. Meillan, 44 : « Placé vis-à-vis du président, à dix pas de lui les regards toujours fixés sur lui, parce que, à travers le tumulte