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LA SECONDE ÉTAPE DE LA CONQUÊTE


sonnes arrêtées et emmenées[1], prêtres, vieillards, infirmes, malades, et, de dix heures du soir à cinq heures du matin, comme dans une ville prise d’assaut, les lamentations des femmes qu’on rudoie, les cris des prisonniers qu’on fait marcher, les jurons des gardes qui sacrent et s’attardent pour boire à chaque cabaret ; il n’y eut jamais d’exécution si universelle, si méthodique, si propre à terrasser toute velléité de résistance dans le silence de la stupeur. — Et pourtant, à ce moment même, les hommes de bonne foi, aux sections et dans l’Assemblée, s’indignent d’appartenir à de pareils maîtres. Une députation des Lombards et une autre de la Halle au Blé viennent à l’Assemblée réclamer contre les usurpations de la Commune[2]. Le montagnard Choudieu dénonce ses prévarications criantes. Cambon, financier sévère, ne veut plus souffrir que ses comptes soient dérangés par des tripotages de filous[3]. L’Assemblée semble enfin reprendre conscience d’elle-même ; elle couvre de sa protection le journaliste Girey contre qui les nouveaux pachas avaient lancé un mandat d’amener ; elle mande à sa propre barre les signataires du mandat ; elle leur ordonne de se renfermer à l’avenir dans les

  1. Selon Rœderer, le nombre des personnes arrêtées fut de cinq à six mille.
  2. Mortimer-Ternaux, III, 147, 148, 28 et 29 août. — Ib., 176. D’autres sections élèvent des plaintes très vives contre la Commune. — Buchez et Roux, XVII, 358. — Procès-verbaux de la Commune, 1er  septembre : « La section du Temple envoie une députation qui déclare qu’en vertu du décret de l’Assemblée nationale elle retire ses pouvoirs aux commissaires qu’elle a nommés au conseil général. »
  3. Mortimer-Ternaux, III, 154, séance du 30 août.