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LA RÉVOLUTION


contre l’attentat que subit la représentation nationale ; on lui court sus, il est assailli à la tribune ; le boucher Legendre, faisant de ses deux bras « le geste du merlin », lui crie : « Descends ou je t’assomme » ; un groupe de Montagnards s’élance pour aider Legendre, on porte à Lanjuinais un pistolet sur la gorge[1] ; il a beau persévérer, se cramponner à la tribune, autour de lui, dans son parti, les volontés défaillent. — À ce moment, Barère, l’homme aux expédients, propose à la Convention de lever la séance et d’aller délibérer « au milieu de la force armée qui la protégera[2] ». Faute de mieux, la majorité s’accroche à ce dernier débris d’espérance. Elle se lève, malgré les cris des tribunes, descend le grand escalier et arrive jusqu’à l’entrée du Carrousel. Là, le président montagnard, Hérault de Séchelles, lit à Henriot le décret qui lui enjoint de se retirer et, correctement, officiellement, lui fait les sommations d’usage. Mais quantité de Montagnards ont suivi la majorité et sont là pour encourager l’insurrection ; Danton serre la main de Henriot et lui, dit à voix basse : « Va toujours ton train, n’aie pas peur, nous voulons constater que l’Assemblée est libre ; tiens bon[3]. » Sur ce mot, le grand escogriffe à panache retrouve son assurance, et, de sa voix avinée, dit au président : « Hérault, le peuple ne s’est pas levé pour écouter des phrases. Tu es un bon patriote ;… pro-

  1. Lanjuinais, Fragment, 299.
  2. Buchez et-Roux, XXVII, 400.
  3. Robinet, le Procès des Dantonistes, 169. Paroles de Danton (d’après les notes du juré Topino-Lebrun),