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LA RÉVOLUTION


deaux, Lyon, Dijon, Nantes, et il restera encore « dix mille de ces mameluks pour contenir la capitale », Quant au personnel civil, il comprend d’abord les habitués de section que l’on va payer 40 sous par séance, ensuite la troupe des figurants qui, dans les autres lieux publics, doivent représenter le peuple, environ mille claqueurs et clabaudeurs, « dont les deux tiers de femmes ». — « Pendant tout le temps que j’ai été libre, dit Beaulieu[1], j’ai beaucoup observé leur manège : c’était une lanterne magique continuellement en mouvement. Ils allaient de la Convention au Tribunal révolutionnaire, et du Tribunal révolutionnaire aux Jacobins ou à la Commune qui tenaient leurs séances le soir… Ils prenaient à peine le temps de satisfaire à leurs besoins naturels ; souvent on les voyait dîner et souper à leur poste, lorsqu’il s’agissait de quelque mesure générale ou de quelque assassinat important. » Comme général en chef, les deux hordes ont Henriot, jadis escroc, puis mouchard, puis détenu pour vol à Bicêtre, puis massacreur de septembre ; autrefois, dans les carrefours, sur l’estrade des vendeurs d’orviétan, il a joué la parade en costume de général ; de là sa tenue militaire et sa popularité ; c’est le parfait sacripant, toujours ivre ou imbibé d’eau-de-vie. Tête de buse, voix de rogomme, œil clignotant, visage traversé de tics nerveux, il a tous les dehors de l’emploi. « Quand il parle, on entend des vociférations pareilles à celles des hommes qui ont un scor-

  1. Beaulieu, Essais sur la Révolution, V, 200.