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LA RÉVOLUTION


contre leurs jacobins locaux ; mais ce n’est là qu’un geste instinctif : elles ne songent point à former des États dans l’État, comme le prétend la Montagne, ni à usurper l’autorité centrale, comme le fait la Montagne. Lyon crie « Vive la république une et indivisible ! » accueille avec honneur les commissaires de la Convention, laisse passer les convois d’armes et de chevaux destinés à l’armée des Alpes ; pour le révolter, il faudra les exigences insensées du despotisme parisien, comme, pour insurger la Vendée, il a fallu la persistance brutale de la persécution religieuse. Sans l’oppression prolongée qui pèse sur les consciences et sans le danger, imminent qui plane sur les vies, aucune ville ou province ne se détacherait. Même sous ce gouvernement d’inquisiteurs et de bourreaux, nul groupe, sauf Lyon et la Vendée, ne fait un effort persévérant pour rompre l’union, se cantonner et vivre à part. Le faisceau national a été trop solidement lié par la centralisation séculaire ; il y a une patrie, et, quand la patrie est en danger, quand l’étranger en armes attaque la frontière, on suit le porte-drapeau, quel qu’il soit, usurpateur, aventurier, chenapan, coupe-tête, pourvu qu’il marche en avant et tienne le drapeau d’une main ferme[1]. À lui arracher ce

    Même motif à Lyon (Nolhac, Souvenirs de trois années de la Révolution à Lyon, 14).

  1. Gouverneur Morris, II, 395. Lettre du 21 janvier 1794 : « En admettant ce qui a été affirmé par des personnes bien placées pour connaître la vérité et cependant ayant grand intérêt à prouver le contraire de leur assertion, à savoir que les neuf dixièmes de la nation sont hostiles au gouvernement, ce n’en est pas moins une vérité incontestable que les quatre-vingt-dix-neuf