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LA SECONDE ÉTAPE DE LA CONQUÊTE


qu’à lire ses numéros de suite on croit entendre le cri incessant et rauque qui sort d’un cabanon de fou. Dès le 19 août, il a poussé le peuple aux prisons. « Le parti le plus sûr et le plus sage, dit-il, est de se porter en armes à l’Abbaye, d’en arracher les traîtres, particulièrement les officiers suisses et leurs complices, et de les passer au fil de l’épée. Quelle folie que de vouloir faire leur procès ! Il est tout fait. — Vous avez massacré les soldats ; pourquoi épargneriez-vous les officiers, infiniment plus coupables ? » — Et, deux jours après, insistant avec son imagination de bourreau : « Les soldats méritaient mille morts… Quant aux officiers, ils méritent d’être écartelés, comme Louis Capet et ses suppôts du Manège[1]. » Là-dessus la Commune l’adopte comme son journaliste officiel, lui donne une tribune dans la salle de ses séances, lui confie le compte rendu de ses actes, et tout à l’heure va le faire entrer dans son comité de surveillance ou d’exécution.

Mais un pareil énergumène n’est bon que pour être un instigateur et un trompette ; tout au plus au dernier

    la cour pour faire périr par le fer et le feu tous les patriotes. » — Titre du no du 19 août : « Les infâmes pères conscrits du Manège trahissant le peuple et cherchant à faire traîner le jugement des traîtres jusqu’à l’arrivée de Motier, qui marche avec son armée sur Paris pour égorger les patriotes. » — Titre du numéro du 21 août : « Les gangrenés de l’Assemblée, complices du perfide Motier, lui ménageant les moyens de fuir… Les pères conscrits, assassins des patriotes dans les massacres de Nancy, du Champ de Mars et des Tuileries », etc. — Tout cela était hurlé chaque matin dans les rues par les colporteurs ambulants du journal.

  1. L’Ami du peuple, nos du 19 et du 21 août.