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LA RÉVOLUTION


mobiles personnels, M.-J. Chénier, dénoncé comme membre du club de la Sainte-Chapelle et d’autant plus exagéré qu’il est suspect[1] ; Manuel ; pauvre homme excitable, effaré, entraîné, et qui frémira de son œuvre après l’avoir vue ; Santerre, beau figurant circonspect qui, le 2 septembre, sous prétexte de garder les bagages, monte sur le siège d’une berline arrêtée et y reste deux heures pour ne pas faire son office de commandant général[2] ; Panis, président du comité de surveillance, bon subalterne, né disciple et caudataire, admirateur de Robespierre, qu’il a proposé pour la dictature, et de Marat, qu’il prône comme un prophète[3] ; Henriot, Hébert et Rossignol, simples malfaiteurs en écharpe ou en uniforme ; Collot d’Herbois, comédien-poétereau, dont l’imagination théâtrale combine avec satisfaction des horreurs de mélodrame[4] ; Billaud-Varennes, ancien oratorien, bilieux et sombre, aussi froid devant les meurtres

  1. Procès-verbaux de la Commune, 17 août. — Buchez et Roux, XII, 206. Récit de la fête du 27 août, dénonciation contre Chénier, « qu’on n’appelle plus à présent que Chénier le chapelain ». — Weber, II, 274, 275.
  2. Mme de Staël, Considérations sur la Révolution française, 3e partie, chapitre x.
  3. Prudhomme, les Révolutions de Paris, no du 22 septembre. À l’une des dernières séances de la Commune, « M. Panis parla de Marat comme d’un prophète, comme d’un autre Siméon Stylite. « Marat, dit-il, est demeuré six semaines sur une fesse dans un cachot. » — Barbaroux, 64.
  4. Weber, II, 548. Collot s’étendit tout au long « avec joie et sang-froid » sur le meurtre de Mme de Lamballe et sur les abominations qu’avait subies son cadavre. « Il ajouta, en soupirant de regret, que, s’il avait été consulté, il aurait fait servir, dans un plat couvert, la tête de Mme de Lamballe pour le souper de la reine. »