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LA SECONDE ÉTAPE DE LA CONQUÊTE


purger la ville[1] ? Ce serait peine perdue que de frapper sur des gens qui rampent si bien[2]. La faction se contente de les marquer comme des chiens galeux, de les parquer, de les tenir en laisse, de les vexer[3]. Elle affiche à la porte des corps de garde la liste des habitants qui sont parents d’un émigré ; elle fait des visites domiciliaires ; elle dresse à son gré une liste de suspects, et il se trouve que sur cette liste elle a inscrit tous les riches. Elle les insulte et les désarme ; elle les interne dans la ville ; elle leur défend d’en sortir, même à pied ; elle leur ordonne de se présenter chaque jour devant son comité de sûreté publique ; elle les condamne à payer dans les vingt-quatre heures toutes leurs contributions de l’année ; elle décachette leurs lettres ; elle confisque, rase et vend dans les cimetières leurs tombeaux de famille. Tout cela est de règle, comme aussi la persécution religieuse, l’irruption dans les sanctuaires privés où se dit la messe, les coups de crosse et de poing prodigués à l’officiant, l’obligation pour les parents orthodoxes de faire baptiser leurs enfants par le curé schismatique, l’expulsion des religieuses, la poursuite, l’emprisonnement, la déportation des prêtres insermentés.

Mais, si la domination du club n’est pas toujours san-

  1. Un séjour en France, 19, 29.
  2. Ib., 38 : « M. de M…, qui a servi pendant trente ans, a rendu ses armes à un tout jeune garçon, et celui-ci s’est conduit envers lui avec la plus extrême insolence. »
  3. Paris, Histoire de Joseph Lebon, I, 55 et suivantes. — Albert Babeau, Histoire de Troyes, I, 503-515. — Sauzay, III, ch. i.


  la révolution. iv.
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