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LA RÉVOLUTION


et de services ; car tout emploi supplémentaire entraîne des frais supplémentaires ; il y en a d’inscrits au budget, quand l’État se charge d’occuper les ouvriers ou d’employer les artistes, de soutenir une industrie ou un commerce, de faire la charité, de donner l’éducation. Aux dépenses d’argent, ajoutez la dépense des vies, s’il entreprend une guerre de générosité ou de propagande. Or, à toutes ces dépenses qu’elle désapprouve, la minorité contribue, comme la majorité qui les approuve ; tant pis pour le conscrit et le contribuable s’ils sont du groupe mécontent ; bon gré mal gré, la main du percepteur fouille dans la poche du contribuable, et la main du gendarme se pose sur le collet du conscrit. — En second lieu, et dans nombre de circonstances, non seulement l’État me prend injustement au delà de sa créance, mais encore il se sert de l’argent qu’il m’extorque pour m’appliquer injustement de nouvelles contraintes ; c’est le cas lorsqu’il m’impose sa théologie ou sa philosophie, lorsqu’il me prescrit ou interdit un culte, lorsqu’il prétend régler mes mœurs et mes manières, limiter mon travail ou ma dépense, diriger l’éducation de mes enfants, fixer le taux de mes marchandises ou de mon salaire. Car alors, pour appuyer ses ordres ou ses défenses, il édicte contre les récalcitrants des peines légères ou graves, depuis l’incapacité politique ou civile jusqu’à l’amende, la prison, l’exil et la guillotine. En d’autres termes, avec l’écu que je ne lui dois pas et qu’il me vole, il défraye la persécution qu’il m’inflige : j’en suis réduit à laisser prendre dans ma