Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 7, 1904.pdf/185

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
177
LE PROGRAMME JACOBIN


vive, qui fait la supériorité de la fabrique, ne peut pas être séparée du fabricant ; car elle est son cœur, son sentiment le plus fort et le plus intime. Elle n’a d’emploi que par lui ; hors de ses mains, sous des mains étrangères, elle cesse de couler, de travailler, de produire. En conséquence, si l’on veut bien et beaucoup produire, c’est à lui seul qu’il faut confier l’atelier ; il en est le propriétaire résident, le metteur en œuvre installé et désigné d’avance, le régisseur-né. Vainement on tenterait de transporter la source ailleurs ; on ne parviendra qu’à lui boucher son issue naturelle, à lui barrer ses canaux bienfaisants, à la détourner au hasard, sans profit, avec perte, pour qu’elle pourrisse dans les bas-fonds ou qu’elle ravine sur les pentes raides. Tout au plus, avec des millions de seaux ramassés par force dans les réservoirs privés, on arrive à remplir péniblement, à moitié, la grande citerne artificielle et centrale, dont l’eau basse et stagnante n’aura jamais assez d’abondance et d’élan pour mouvoir l’énorme roue publique, qui remplace les petites roues particulières et qui doit faire seule toute la besogne de la nation.

Ainsi, même à ne voir dans les hommes que des fabricants, à les traiter comme de simples producteurs de valeurs et de services, à n’avoir pour but que l’approvisionnement de la société et l’avantage des consommateurs, le domaine privé comprend toutes les entreprises dont les particuliers, soit isolés, soit associés, se chargent par intérêt personnel et par attrait personnel :

  la révolution. v.
T. VII. — 12