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LA RÉVOLUTION


Convention, il prononce son apologie, « les passages[1] sont obstrués de femmes… il y en a sept ou huit cents dans les tribunes, et deux cents hommes au plus » ; et avec quel transport elles l’applaudissent[2] ! « C’est un prêtre qui a ses dévotes. » Aux Jacobins, quand il débite « son amphigouri », il y a des sanglots d’attendrissement, « des cris, des trépignements à faire crouler la salle[3] ». Un spectateur demeurant froid, on le regarde, on murmure, il est obligé de s’esquiver, comme un hérétique fourvoyé dans une chapelle au moment de l’office. — À mesure que les foudres de la Révolution tombent plus pressées sur les

  1. Ces dévotes de Robespierre, assidues aux Jacobins et à la Convention pour l’entendre et l’applaudir, étaient, d’après leur condition et leur costume, appelées « les jupons gras ».
  2. Buchez et Roux, XX, 197 (séance du 1er novembre 1792). — Chronique de Paris, n° du 9 novembre 1792, article de Condorcet. Celui-ci, avec sa finesse d’homme du monde, a très bien démêlé le caractère vrai de Robespierre, « Robespierre prêche, Robespierre censure ; il est furieux, grave, mélancolique, exalté à froid, suivi dans ses pensées et dans sa conduite ; il tonne contre les riches et les grands, il vit de peu, et ne connaît pas les besoins physiques. Il n’a qu’une mission, c’est de parler, et il parle presque toujours. Il a tous les caractères, non pas d’un chef de religion, mais d’un chef de secte. Il s’est fait une réputation d’austérité qui vise jusqu’à la sainteté. Il monte sur les bancs, il parle de Dieu et de la Providence, il se dit l’ami des pauvres et des faibles, et il se fait suivre par les femmes et les pauvres d’esprit, il reçoit gravement leurs adorations et leurs hommages. Robespierre est un prêtre et ne sera jamais que cela. » — Parmi les dévotes de Robespierre, il faut citer Mme de Chalabre (Hamel, I, 515) et une jeune veuve (Hamel, III, 524) qui lui offre sa main et ses 40 000 livres de rente : « Tu es ma divinité suprême, lui écrit-elle, et je n’en connais pas d’autre sur la terre que toi. Je te regarde comme mon ange tutélaire et ne veux vivre que sous tes lois. »
  3. Fiévée, Correspondance (Introduction).