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LES GOUVERNANTS


« bien, je crois que Brissot est à Brunswick[1]. » — Naturellement enfin, il se forge, comme Marat, des romans noirs, mais moins improvisés, d’une absurdité moins grossière, plus lentement élaborés et plus industrieusement concertés dans son cerveau de raisonneur et de policier. — « Manifestement, dit-il à Garat[2], les Girondins conspirent. — Et où donc conspirent-ils ? — Partout : à Paris, dans toute la France, dans toute l’Europe. À Paris, Gensonné conspire dans le faubourg Saint-Antoine, en allant, de boutique en boutique, persuader aux marchands que, nous autres patriotes, nous voulons piller leurs boutiques. La Gironde a formé depuis longtemps le projet de se séparer de la France pour se réunir à l’Angleterre, et les chefs de sa députation sont eux-mêmes les auteurs de ce plan, qu’ils veulent exécuter à tout prix. Gensonné ne le cache pas ; il dit, à qui veut l’entendre, qu’ils ne sont pas les représentants de la nation, mais les plénipotentiaires de la Gironde. Brissot conspire dans son journal, qui est un tocsin de guerre civile ; on sait qu’il est allé en Angleterre, et l’on sait aussi pourquoi il y est allé ; nous n’ignorons pas ses liaisons intimes avec le ministre des affaires étrangères, avec ce Lebrun, qui est un Lié-

  1. Buchez et Roux, XXI, 107 (Discours de Pétion sur l’accusation intentée à Robespierre). — Pétion lui objecte très justement que « Brunswick serait le premier à faire couper la tête de Brissot, et que Brissot n’est pas assez fou pour en douter. »
  2. Garat, 94. (Après la mort du roi, et un peu avant le 10 mars 1793).