ce soir, tout sera fini. « Il y avait des journées tellement difficiles, qu’on ne voyait aucun moyen de dominer les circonstances ; ceux qu’elles menaçaient le plus personnellement abandonnaient leur sort aux chances de l’imprévu[1]. » — « Les décisions qu’on nous reproche tant, dit un autre[2], nous ne les voulions pas le plus souvent deux jours, un jour auparavant ; la crise seule les suscitait. Nous ne voulions pas tuer pour tuer,… mais vaincre à tout prix, être les maîtres, donner l’empire à nos principes. » — Cela est vrai : ils sont des sujets autant que des despotes. À la table du Comité, pendant leurs longues séances de nuit, siège avec eux leur souveraine, une figure formidable, l’Idée révolutionnaire qui leur confère le pouvoir de tuer, à charge de l’exercer contre tous, partant contre eux-mêmes. Vers deux heures, trois heures du matin, épuisés, à bout d’idées et de paroles, ne sachant plus s’il faut tuer à droite ou à gauche, ils la regardent anxieusement et tâchent de lire sa volonté dans ses yeux fixes. « Qui faut-il frapper demain ? » — Toujours même réponse, écrite à demeure sur les traits du fantôme impassible : « Il faut frapper les contre-révolutionnaires », et sous ce nom sont compris tous ceux qui, par action, parole, pensée ou sentiment intime, par emportement ou relâchement, par humanité ou
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LA RÉVOLUTION