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Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 7, 1904.pdf/331

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LES GOUVERNANTS


et cependant il s’attable ; l’autre attend trois heures et demie dans l’antichambre, n’est pas admis, revient, et, reçu à la fin, s’entend dire, d’une voix tonnante : « Qui es-tu ? — L’accusateur public. — Tu as l’air d’un évêque, tu as été curé ou moine, tu ne peux pas être révolutionnaire… Je viens à Metz avec des pouvoirs illimités. L’esprit public n’y est pas bon, je vais le mettre au pas. J’arrangerai les gens d’ici ; tant à Metz qu’à Nancy, j’en ferai fusiller cinq ou six cents, sous quinze jours. » — De même, chez le général Bessières, commandant de la place : là, rencontrant le commandant en second, M. Clédat, vieil officier, il le regarde de la tête aux pieds : « Tu as l’air d’un muscadin. D’où es-tu ? Tu dois être un mauvais républicain, tu as une figure de l’ancien régime. — J’ai les cheveux blancs, mais je n’en suis pas moins bon républicain : on peut demander au général et à toute la ville. — F…-moi le camp, b…, et dépêche-toi, ou je te fais arrêter … » — De même, dans la rue, où il empoigne un passant sur sa mine ; le juge de paix Joly lui certifiant le civisme de cet homme, il « toise » Joly : « Toi aussi, tu es un aristocrate ; je vois cela à tes yeux, je ne me trompe jamais. » Et, lui arrachant sa médaille de juge, il l’envoie en prison. — Cependant un incendie, vite éteint, s’est déclaré aux fours de la manutention ; officiers, bourgeois, ouvriers,

    qu’il l’a vu prendre aux cheveux le maire d’Avesnes, vieillard vénérable, qui lui présentait quelque pétition regardant la ville, et le jeter à terre avec des gestes de cannibale. » — « Lui et son frère étaient petits marchands de houblon au détail, à Saint-Pol. Il a fait de ce frère un général. »