Aller au contenu

Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 7, 1904.pdf/345

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
337
LES GOUVERNANTS


ouvre une porte qui y conduit ; mais Lebon, ne connaissant pas les êtres, prend l’alarme. « Il écume, dit l’officier municipal, et s’écrie en énergumène : « Arrête, arrête, scélérat, tu fuis ! » — Il tire son sabre, il me saute au collet ; je suis traîné, porté par lui et par les siens. « Je le tiens, je le tiens ! » s’écriait-il, et, en effet, il me tenait, des dents, des pieds, des mains, comme un enragé. — Enfin : « Scélérat, monstre, b…, me dit-il, es-tu marquis ? — Non, lui répondis-je, je suis sans-culotte. — Eh bien, peuple, vous l’entendez, il dit qu’il est sans-culotte, et voilà comme il accueille une dénonciation sur le maximum ! Je le destitue ; qu’on le f… en prison[1] ! » Certainement, le roi d’Arras et de Cambrai n’est pas loin de la fièvre chaude ; sur de pareils symptômes, on conduirait un particulier dans un asile. — Moins vaniteux, moins heureux de parader dans sa royauté, mais plus farouche et placé à Nantes parmi de plus grands dangers, Carrier, sous l’obsession d’idées plus sombres, a la folie encore plus furibonde et plus continue. Parfois ses accès vont jusqu’à l’hallucination. « Je l’ai vu, dit un témoin, emporté par la chaleur avec laquelle il pérorait à la tribune pour dominer les opinions, je l’ai vu couper les chandelles avec son sabre, » comme si c’étaient des têtes d’aristocrates[2]. Une autre fois, à table, après avoir dit que la France ne peut nourrir sa population trop

  1. Paris, II, 85.
  2. Buchez et Roux, XXXIV, 481 (Déposition de Monneron, négociant).
  la révolution. v.
T. VII. — 22