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LE GOUVERNEMENT RÉVOLUTIONNAIRE


leur trou départemental ; ils y deviennent ses agents et ses missionnaires[1]. On ne parle plus de mettre la Constitution en vigueur ; elle n’était qu’un appât, un trompe-l’œil fabriqué exprès pour pêcher en eau trouble : la pêche finie, on la remise en un lieu apparent de la salle, dans un petit monument dont David fournit le dessin[2]. À présent, dit Danton, « la Convention doit être pénétrée de toute sa dignité ; car elle vient d’être revêtue de toute la force nationale. » — En d’autres termes, l’astuce achève ce que la violence avait commencé : par les attentats de mai et de juin, l’Assemblée souveraine avait perdu sa légitimité ; par les manœuvres de juillet et d’août, elle en a recouvré l’apparence. Les Montagnards tiennent toujours la Convention à la chaîne ; mais ils lui ont rendu son prestige, pour l’exploiter à leur profit.

VII

Du même coup et par les mêmes simagrées, ils ont presque désarmé leurs adversaires. — À la nouvelle du 31 mai et du 2 juin, parmi les républicains de la classe cultivée, dans cette génération qui, élevée par les philosophes, croyait sincèrement aux droits de l’homme[3], un grand cri d’indignation avait éclaté ; soixante-neuf

  1. Décrets du 14 et 16 août.
  2. Moniteur, XVII, 375.
  3. Riouffe, Mémoires, 19 : « Une génération entière, cette génération véritablement disciple de Jean-Jacques, de Voltaire, de Diderot, a pu être anéantie, et l’a été en grande partie, sous prétexte de fédéralisme. »


  la révolution. v.
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