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LE GOUVERNEMENT RÉVOLUTIONNAIRE


Bourges. — En plusieurs endroits, on avait passé des paroles aux actes. Déjà, avant la fin de mai, Marseille et Lyon avaient pris les armes et mâté leurs jacobins locaux. Après le 2 juin, la Normandie, la Bretagne, le Gard, le Jura, Toulouse et Bordeaux avaient aussi levé des troupes. À Marseille, Bordeaux et Caen, les représentants en mission, arrêtés ou gardés à vue, étaient retenus comme otages[1]. À Nantes, les magistrats populaires et les gardes nationaux, qui, six jours auparavant, avaient si vaillamment repoussé l’armée vendéenne, osaient davantage ; ils limitaient les pouvoirs de la Convention et condamnaient son ingérence : selon eux, l’envoi des représentants en mission était « une usurpation, un attentat contre la souveraineté nationale » ; les représentants avaient été nommés « pour faire des lois, et non pour les exécuter, pour préparer une Constitution et ordonner tous les pouvoirs publics, et non pour les confondre et les exercer tous ensemble, pour protéger et soutenir les pouvoirs intermédiaires que le peuple délègue, et non pour les envahir et les anéantir[2] ». — Plus hardiment encore,

  1. Archives nationales, AF, II, 46 (Lettre de Romme et Prieur au Comité du Salut public, Caen, 10 juin). — Le bon droit est si visiblement pour les insurgés de Caen, que Romme et Prieur approuvent leur propre arrestation : « Citoyens nos collègues, cette arrestation peut prendre un grand caractère, servir la cause de la liberté, maintenir l’unité de la république et rappeler la confiance, si, comme nous nous empressons de vous le demander, vous la confirmez par un décret qui nous déclare otages… Nous avons remarqué, dans le peuple de Caen, de l’amour pour la liberté, pour la justice, et de la docilité. »
  2. Archives nationales, AF, II, 46 (Résultat des délibérations