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Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 7, 1904.pdf/54

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LA RÉVOLUTION


corps, partant suivre l’impulsion qui vient d’en haut et ramasse les individus dispersés, tel est l’instinct du troupeau. — Dans le bataillon des fédérés, on commence à dire que, la Constitution étant acceptée et la Convention reconnue, il n’est plus permis de protéger les députés qu’elle vient de mettre hors la loi : « ce serait se constituer faction ». Là-dessus, les députés se séparent du bataillon, et leur petit peloton continue sa marche à part. Comme ils sont dix-neuf, résolus et bien armés, les autorités des bourgs par où ils passent ne s’opposent pas de force à leur passage ; il faudrait livrer bataille, et cela dépasse le zèle d’un fonctionnaire ; d’ailleurs, à leur endroit, la population est indifférente, ou même sympathique. Mais on tâche de les retenir, parfois de les investir et de les surprendre ; car il y a contre eux un mandat d’arrêt transmis par la filière hiérarchique, et tout magistrat local se croit tenu de faire son office de gendarme. Sous ce réseau administratif dont ils rencontrent partout les mailles, les proscrits n’ont plus qu’à se tapir dans des trous et à fuir par mer. — Arrivés à Bordeaux, ils y trouvent d’autres moutons qui se préparent pour la boucherie. Le maire Saige prêche la conciliation et la patience : il refuse les services de quatre à cinq mille jeunes gens, de trois mille grenadiers de la garde nationale, de deux ou trois cents cavaliers, des volontaires qui s’étaient formés en club contre le club jacobin ; il les engage à se dissoudre, il envoie à Paris une députation suppliante, pour obtenir que la Convention oublie « un instant d’erreur », et fasse grâce