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Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 7, 1904.pdf/59

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LE GOUVERNEMENT RÉVOLUTIONNAIRE


ne pouvaient abandonner sans se perdre eux-mêmes, je veux dire la certitude de ne pas être livrés sans défense à l’arbitraire illimité de leurs tyrans locaux, aux spoliations, aux proscriptions, aux vengeances de leur canaille jacobine. En somme, à Marseille, à Bordeaux, surtout à Lyon et à Toulon, les sections ne s’étaient levées que pour cela : par un effort brusque et spontané, le peuple avait détourné le couteau qu’une poignée de sacripants lui portait à la gorge ; il n’avait pas voulu et il ne voulait pas être septembrisé, rien de plus ; pourvu qu’on ne le remît pas, pieds et poings liés, aux mains des massacreurs, il ouvrait ses portes. À ce prix minime, la Montagne pouvait, avant la fin de juillet, terminer la guerre civile ; elle n’avait qu’à suivre l’exemple de Robert Lindet qui, à Évreux, patrie de Buzot, à Caen, patrie de Charlotte Corday et siège central des Girondins fugitifs, avait rétabli l’obéissance à demeure, par la modération qu’il avait montrée et par les promesses qu’il avait tenues[1]. Très certainement, les procédés qui avaient pacifié la province la plus compromise auraient ramené les autres, et, par cette politique, on ralliait autour de Paris, sans coup férir, la capitale du Centre, la capitale du Sud-Ouest et la capitale du Midi.

Au contraire, si l’on s’obstinait à leur imposer la domination de leurs Maratistes, on courait risque de les jeter dans les bras de l’ennemi. Plutôt que de retomber au pouvoir des bandits qui l’avaient rançonné et décimé, Toulon, affamé, allait recevoir les Anglais dans

  1. Mortimer-Ternaux, VIII, 141.