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Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 7, 1904.pdf/6

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ii
PRÉFACE


arrivés, nous n’apercevons plus à l’horizon, derrière nous, que des formes embellies par l’air interposé, des contours flottants que chaque spectateur peut interpréter et préciser à sa guise, nulle figure humaine distincte et vivante, mais une fourmilière de points vagues dont les lignes mouvantes se forment ou se rompent autour des architectures pittoresques. J’ai voulu voir de près ces points vagues, et je me suis transporté dans la seconde moitié du dix-huitième siècle ; j’y ai vécu douze ans, et, comme Clément d’Alexandrie, j’ai regardé de mon mieux, d’abord le temple, ensuite le dieu. — Regarder avec les yeux de la tête, cela ne suffisait pas ; il fallait encore comprendre la théologie qui fonde le culte. Il y en a une qui explique celui-ci, très spécieuse, comme la plupart des théologies, composée des dogmes qu’on appelle les principes de 1789 ; en effet, ils ont été proclamés à cette date ; auparavant, ils avaient été déjà formulés par Jean-Jacques Rousseau : souveraineté du peuple, droits de l’homme, contrat social, on les connaît. Une fois adoptés, ils ont d’eux-mêmes déroulé leurs conséquences pratiques ; au bout de trois ans, ils ont amené le crocodile dans le sanctuaire et l’ont installé derrière le voile d’or, sur le tapis de pourpre : en effet, par l’énergie de ses mâchoires et par la capacité de son estomac, il était désigné d’avance pour cette place ; c’est en sa qualité de bête mal-