Aller au contenu

Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 8, 1904.djvu/137

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
133
LES GOUVERNÉS


millions le nombre des vies qu’il fallait trancher[1], et, selon Collot d’Herbois, qui avait parfois l’imagination pittoresque, « la transpiration politique devait être assez abondante pour ne s’arrêter qu’après la destruction de douze à quinze millions de Français ».

En revanche, dans la quatrième et dernière partie de leur œuvre, ils sont allés presque jusqu’au bout ; tout ce qu’on pouvait faire pour ruiner les individus, les familles et même l’État, ils l’ont fait ; tout ce qu’on pouvait prendre, ils l’ont pris. — De ce côté, la Constituante et la Législative avaient commencé la besogne par l’abolition, sans indemnité, de la dîme et de tous les droits féodaux, par la confiscation de toute la propriété ecclésiastique ; cette besogne, les opérateurs jacobins la

  1. Article de Guffroy, dans son journal le Rougiff : « À bas tous les nobles, et tant pis pour les bons, s’il y en a ! Que la guillotine soit en permanence dans toute la République ; la France aura assez de cinq millions d’habitants. » — Berryat-Saint-Prix, 445 (Lettre de Fauvety, Orange, 24 prairial an II) : « Nous n’avons que huit mille détenus dans notre arrondissement ; quelle bagatelle ! » — Ib., 447 (Lettre de la commission d’Orange au Comité de Salut public, 3 messidor) : « Lorsque la commission sera dans sa pleine activité, elle mettra en jugement tous les prêtres, gros négociants, ex-nobles. » — (Lettre de Juge, 2 messidor) : « Suivant les apparences, il tombera dans le département plus de trois mille têtes… » — Ib., 311. Détails sur la construction à Bordeaux d’un vaste échafaud, avec sept portes, dont deux grandes en forme de portes de grange, dit guillotine à quatre couteaux, pour opérer plus vite et plus largement. Les autorisations et ordres de construction sont du 3 et du 8 thermidor an II. — Ib., 285 (Lettre du représentant Blutel en mission à Rochefort, après Thermidor) : « Une poignée d’hommes, perdus de débauches et de crimes, osait proscrire (ici) le patriotisme vertueux, parce qu’il ne partageait pas leurs transports sanguinaires ; on y disait que l’arbre de la Liberté ne pouvait prendre racine que dans dix pieds de sang humain. »