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LES GOUVERNÉS


déportés et des condamnés à mort. — Pas un capital immobilier ni mobilier, pas un revenu en argent ou en nature, quelle qu’en soit la source, bail, hypothèque ou créance privée, pension ou titre sur les fonds publics, profits de l’industrie, de l’agriculture ou du commerce, fruits de l’épargne ou du travail, depuis l’approvisionnement du fermier, du négociant et du fabricant jusqu’aux manteaux, habits, chemises et souliers, jusqu’au lit et à la chambre des particuliers[1], rien n’échappe à leurs mains rapaces : dans la campagne, ils enlèvent jusqu’aux grains réservés pour la semence ; à Strasbourg et dans le Haut-Rhin, toutes les batteries de cuisine ; en Auvergne et ailleurs, jusqu’aux marmites des pâtres. Tout objet de valeur, même s’il n’a pas d’emploi public, tombe sous le coup de la réquisition : par exemple, le comité révolutionnaire de Bayonne[2] s’empare d’une

  1. Recueil de pièces authentiques concernant la Révolution à Strasbourg, I, 23 : « Par ordre des représentants en date du 25 brumaire an II, la municipalité déchaussa, dans les vingt-quatre heures, toute la commune de Strasbourg, et envoya, de maison en maison, prendre les souliers des citoyens. » — Arrêté des représentants Lémane et Baudot, 1er frimaire an II, déclarant que les batteries de cuisine, chaudrons, poêlons, casseroles, baquets et autres objets en cuivre et en plomb, de même que les cuivres et plombs non travaillés qui se trouvent à Strasbourg et dans le département, sont en réquisition. » — Archives nationales, AF, II, 92 (Arrêté de Taillefer, 3 brumaire an II, Villefranche-l’Aveyron). Création d’un comité de dix personnes chargées de faire les visites domiciliaires, et autorisées « à s’emparer de tous fers, plombs, aciers, cuivres trouvés dans les maisons des suspects, pour toutes les batteries de cuisine être métamorphosées en bouches à feu. » — Mallet du Pan, Mémoires, II, 15.
  2. Moniteur, XXV, 189 (Discours du représentant Blutel, 9 juillet 1795).