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LES GOUVERNÉS


Considérons d’abord les premiers personnages. — À la vérité, dans l’aristocratie, nombre de familles, les plus opulentes et les plus en vue, avaient cessé de rendre des services proportionnés aux frais de leur entretien. Seigneurs et dames de la cour, évêques et abbés mondains, parlementaires de salon, la plupart ne savaient guère que solliciter avec art, représenter avec grâce et dépenser avec excès. Une culture mal entendue les avait détournés de leur emploi naturel, pour en faire des arbres de luxe et d’agrément, souvent creux, étiolés, faibles de sève, trop émondés, très coûteux d’ailleurs, alimentés par une profusion de terreau, à grand renfort d’arrosage ; et le jardinage savant, qui les contournait, les groupait, les alignait en formes et en bosquets factices, faisait avorter leurs fruits, pour multiplier leurs fleurs. — Mais les fleurs étaient exquises, et, même aux yeux du moraliste, c’est quelque chose qu’une telle floraison. Du côté de la politesse, du bon ton et du savoir-vivre, les mœurs et les manières avaient alors atteint dans le grand monde un degré de perfection que jamais, en France ni ailleurs, elles n’ont eu auparavant ou n’ont regagné depuis[1], et, de tous les arts par lesquels les hommes se sont dégagés de la brutalité primitive, celui qui leur enseigne les égards mutuels est peut-être le plus précieux. Quand on le pratique, non seulement dans le salon, mais aussi dans la famille,

    toute la série des documents imprimés ou manuscrits, notamment à ceux que j’ai mentionnés, soit dans ce volume, soit dans les trois volumes précédents.

  1. L’Ancien Régime, tome I, livre II, ch. ii, § 4.