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Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 8, 1904.djvu/164

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LA RÉVOLUTION


lasser l’acharnement de leurs bourreaux, user la persécution, transformer l’opinion et faire avouer, même aux survivants du dix-huitième siècle, qu’ils étaient des hommes de foi, de mérite et de cœur.

V

Au-dessous de la noblesse et du clergé, une troisième classe de notables, presque tout entière concentrée dans les villes[1], la bourgeoisie, confinait, par ses rangs supérieurs, aux deux premières, et ses divers groupes, étagés depuis le parlementaire jusqu’au marchand et au fabricant aisés, comprenaient le reste des hommes à peu près cultivés, environ 100 000 familles, recrutées dans les mêmes conditions que notre bourgeoisie contemporaine : c’étaient les « bourgeois vivant noblement », je veux dire de leurs rentes, les gros industriels ou négociants, les hommes engagés dans les carrières libérales, procureurs, avocats, notaires, médecins, architectes, ingénieurs, artistes, professeurs, et notamment les fonctionnaires ; mais ceux-ci, très nombreux, différaient des nôtres par deux traits essentiels. D’une part, leur office, comme aujourd’hui une étude de notaire ou un titre d’agent de change, était une propriété privée. Emplois de justice et de finance au bailliage, au présidial, à l’élection, au grenier à sel, aux traites, aux monnaies, aux eaux et forêts, places de président, de conseiller, de procureur du roi aux divers

  1. Tocqueville, 134, 137.