Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 8, 1904.djvu/185

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
181
LES GOUVERNÉS


que chose, à détenir des objets nécessaires à la vie, il y a le crime d’aristocratie proprement dite, je veux dire la répugnance, le manque de zèle, ou même l’indifférence pour le régime établi, le regret du régime détruit, une parenté, liaison, familiarité avec quelque émigré, condamné ou détenu de la classe supérieure, des services rendus à un proscrit, la fréquentation d’un prêtre. Or nombre de pauvres gens, fermiers, artisans, domestiques, servantes, ont commis ce crime[1] ; et dans

  1. Recueil de pièces, etc., I, 69 et 91. À Strasbourg, nombre de femmes du peuple sont incarcérées « comme aristocrates et fanatiques », sans autre motif allégué, et voici leurs conditions : ouvrière en modes, tapissière, ménagère, sage-femme, boulangère, femmes de confiseurs, de cafetiers, de tailleurs, de potiers, de ramoneurs. — Ib., II, 216 : « Ursule Roth, servante chez un émigré, arrêtée pour savoir si son maître n’avait rien caché… Marie Faber, arrêtée comme soupçonnée d’avoir servi chez un prêtre. » — Archives nationales, AF, II, 135. (État nominatif des femmes suspectes et détenues dans les bâtiments du collège national) : La plupart sont détenues comme mères, sœurs, femmes ou filles d’émigrés ou de prêtres déportés, et beaucoup sont des femmes de boutiquiers ou d’artisans. L’une, garde-malade de son métier, est détenue « comme aristocrate et fanatique ». — (Autre état nominatif pour les hommes détenus) : Un tonnelier, comme « aristocrate » ; un tripier, comme « très incivique et n’ayant jamais montré d’attachement pour la Révolution » ; un maçon, comme « n’ayant jamais montré de patriotisme » ; un cordonnier, comme « aristocrate de tout temps et ayant accepté une place de portier sous le tyran » ; quatre forestiers nationaux, comme « n’ayant pas des sentiments patriotiques » ; etc. — Recueil de pièces, etc., II, 220 : « La citoyenne Gunz, âgée de soixante-quinze ans, et sa fille, âgée de quarante-quatre ans, accusées d’avoir envoyé, le 22 mai 1792, 36 francs en argent au fils de la première, émigré, furent guillotinées ». — Cf. Sauzay, tomes III, IV et V (appendices), les listes d’émigrés et détenus dans le Doubs ; on y trouvera les qualités et professions, avec les motifs d’incarcération. — À Paris même, Archives nationales, F7f 31167. Rapport de Latour-La-