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LES GOUVERNÉS

Le plus souvent, les arrêtés le frappent en sa seule qualité de riche ; on parque ensemble tous ceux d’une ville, pour les pressurer un à un, selon leurs facultés présumées ; à Strasbourg[1], 193 personnes, taxées chacune de 6000 à 300 000 livres, en tout 9 millions à payer dans les vingt-quatre heures par les principaux de chaque profession ou métier, banquiers, courtiers, négociants, fabricants, professeurs, pasteurs, avoués, médecins, chirurgiens, libraires-imprimeurs, tapissiers, miroitiers, cordiers, maîtres-maçons, cafetiers, aubergistes. Et qu’ils aient soin de s’exécuter dans le délai prescrit ; sinon, ils seront mis au pilori, sur l’échafaud, face à face avec la guillotine. « Un des meilleurs citoyens de la commune, qui avait donné des preuves constantes de son attachement à la Révolution, n’ayant pu en un jour réaliser une somme de 250 000 livres, fut attaché au poteau de l’infamie[2]. » — Parfois l’arrêté frappe une classe entière, non seulement les

  1. Archives nationales, AF, II, 435 (Arrêté de Saint-Just et Lebas, Strasbourg, 10 brumaire an II, avec la liste nominative des cent quatre-vingt-treize personnes taxées et de leurs taxes respectives). — Entre autres : « veuve Frank, banquier, 200 000 livres ». — Ib., AF, II, 49 (Papiers relatifs à la taxe révolutionnaire de Belfort) : « Vieillard, comme modéré et égoïste, 10 000 ; Keller, comme riche égoïste, 7000 ; comme aristocrates dont l’aîné et le puîné sont détenus : Barthélemy puîné, 10 000 ; Barthélemy aîné, 3500 ; Barthélemy cadet, 7000 ; citoyenne Barthélemy mère, 7000 » ; etc.
  2. Recueil de pièces, etc., I, 22 (Lettre des autorités de Strasbourg). — Comte de Martel, 238 (Lettre des autorités de l’Allier) : « Les citoyens Saincy, Balorre, Heulard et Lavaleisse furent exposés, par la plus rigoureuse saison, sur l’échafaud pendant six heures (à Moulins), avec un écriteau portant : Mauvais riche, qui n’a rien donné à la caisse de bienfaisance. »