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LA RÉVOLUTION

Rien de plus simple en apparence et rien de plus compliqué au fond que l’opération physiologique par laquelle, dans le corps organisé, l’aliment approprié et réparateur vient s’offrir incessamment, juste à l’endroit et à l’instant qu’il faut, aux innombrables cellules, si diverses et si lointaines. Pareillement, rien de plus simple au premier coup d’œil et rien de plus compliqué en fait que l’opération économique par laquelle, dans le corps social, les subsistances et les autres choses de première nécessité viennent d’elles-mêmes, sur tous les points du territoire, se mettre à la portée de chaque consommateur. C’est que, dans le corps social comme dans le corps organisé, l’acte terminal en présuppose quantité d’autres antérieurs et coordonnés, une série d’élaborations, un échelonnement de métamorphoses, une file d’éliminations, une succession de charrois, la plupart invisibles ou obscurs, mais tous indispensables, tous exécutés par des organes infiniment délicats, par des organes si sensibles que, sous la moindre pression, ils se détraquent, si dépendants les uns des autres que le trouble d’un seul d’entre eux altère le jeu des autres, et supprime ou pervertit l’œuvre finale à laquelle, de près ou de loin, ils concourent tous.

Considérez un instant ces précieux organes économiques, et leur manière de fonctionner. Dans une société un peu civilisée et qui a vécu, ce sont, au premier rang, les détenteurs de la richesse accumulée par l’épargne ancienne et récente, je veux dire les propriétaires de valeurs grandes ou petites, en argent, papier