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LES GOUVERNÉS


prêter. — Voilà les dispositions et la situation de tous les possesseurs d’avances en temps d’anarchie, quand l’État défaille, et ne remplit plus son office ordinaire, quand les propriétés ne sont plus efficacement protégées par la force publique, quand la jacquerie se propage dans les campagnes et l’émeute dans les villes, quand les châteaux sont saccagés, les chartriers brûlés, les boutiques enfoncées, les subsistances pillées et les transports arrêtés, quand les loyers et les fermages ne sont plus payés, quand les tribunaux n’osent plus condamner, quand les huissiers n’osent plus instrumenter, quand la gendarmerie s’abstient, quand la police manque, quand l’amnistie réitérée couvre les voleurs et les incendiaires, quand une révolution amène au pouvoir local et central des aventuriers sans fortune, sans probité et hostiles aux propriétaires. — Voilà les dispositions et la situation de tous les possesseurs d’avances en temps de socialisme, quand l’État usurpateur, au lieu de protéger les propriétés privées, les détruit ou s’en empare, quand il s’approprie les biens de plusieurs grands corps, quand il supprime sans indemnité plusieurs sortes de créances légales, quand, à force de dépenser et de s’obérer, il devient insolvable, quand, par son papier-monnaie et le cours forcé, il annule la créance aux mains du créancier et permet au débiteur de se libérer presque gratis, quand il saisit arbitrairement les capitaux liquides, quand il emprunte de force, quand il réquisitionne de force, quand il taxe les denrées au-dessous du prix de