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LES GOUVERNÉS


ont loué leur terre ou leur maison pour un laps de plusieurs années, propriétaires d’une rente viagère sur un particulier ou sur un domaine, industriels, négociants, cultivateurs qui ont vendu à terme leurs produits manufacturés, leurs marchandises ou leurs denrées, commis et clercs à l’année, employés, subordonnés, domestiques, ouvriers même, engagés à temps pour un salaire fixe. Pas un de ces gens-là dont le capital, remboursable en assignats, ou le revenu, payable en assignats, ne se réduise incessamment et à proportion de la baisse que les assignats subissent ; en sorte que, non seulement l’État fait banqueroute, mais que légalement, par sa faute, tous les débiteurs de France font banqueroute avec lui.

En pareille situation, comment faire pour commencer ou soutenir une entreprise ? Qui osera se risquer, surtout dans les entreprises où les déboursés sont grands et la rémunération lointaine ? Qui osera prêter à longue échéance ? — Si quelqu’un prête encore, ce n’est pas à l’année, mais au mois, et l’intérêt, qui était de 6, 5 ou même 4 pour 100 par an avant la Révolution, est maintenant de 2 pour 100 par mois et sur gages ; il montera plus haut tout à l’heure, et, à Paris, à Strasbourg, on le verra, comme dans l’Inde et dans les États Barbaresques, s’élever jusqu’à 4, 5, 6 et même 7 pour 100 par mois[1]. — Quel possesseur de matières

  1. Félix Rocquain, l’État de la France au 18 Brumaire, 240 (Rapport de Lacuée, an IX). — Rapport des préfets sous le Consulat (Rapports de Laumont, préfet du Bas-Rhin, an IX, de Colchen, préfet de la Moselle, an XI, etc.) — Schmidt, Pariser Zu-