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LA RÉVOLUTION


qui, multipliée par une civilisation supérieure et productive, ne pourra subsister longtemps sous un régime barbare, inférieur, improductif. Au bout de l’expropriation systématique et complète, on aperçoit l’effet final du système, non plus la disette, mais la famine, la famine en grand et l’anéantissement des vies par millions. — Parmi les Jacobins[1], quelques furieux, lucides à force de fureur, Guffroy, Antonelle, Jeanbon Saint-André, Collot d’Herbois, voient la conséquence et l’acceptent avec le principe ; les autres, qui refusent de voir la conséquence, n’en sont que plus obstinés pour appliquer le principe, et tous ensemble, les yeux fermés ou les yeux ouverts, travaillent de toute leur force à l’aggravation de la misère, dont le spectacle lamentable s’étale en vain sous leurs regards.

IV

De Lyon, le 6 novembre 1793, Collot d’Herbois écrivait : « Il n’y a pas ici de vivres pour deux jours. » Et le lendemain : « La population actuelle de Lyon est de 130 000 âmes au moins ; il n’y a pas de subsistances pour trois jours. » Puis, le surlendemain : « Notre situation relativement aux subsistances est désespérante. » Puis, le jour d’après : « La famine va éclater[2]. » — À côté de là, dans le district de Montbrison,

  1. Cf. la Révolution, tome V, 83. — Dauban, Paris en 1794 (Rapport de Pourvoyeur, 15 mars 1794) : « L’on répand depuis fort longtemps que l’on veut faire mourir tous les vieillards ; il n’est pas d’endroit où l’on ne débite ce mensonge. »
  2. Archives nationales, F7, 4435, carton 10 (Lettres de Collot