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LES GOUVERNÉS


le bas peuple parisien, qui vit au jour le jour, qui est jacobin de cœur, qui a fait la Révolution pour être

    II, 488. Lettre de Julie de Beaumarchais, décembre 1795) : « Lorsque tu m’as donné ces 4000 francs (en assignats), bonne amie, le cœur m’a battu. J’ai cru que tu devenais folle de me donner une telle fortune ; je les ai vite fait couler dans ma poche, et je t’ai parlé d’autre chose, pour distraire ton idée. — Revenue chez moi, et vite, vite, du bois, des provisions, avant que tout augmente encore ! Voilà Dupont (la vieille servante) qui court, qui s’évertue ; voilà les écailles qui me tombent des yeux, quand je vois, sans la nourriture du mois, ce résultat de 4275 francs :

    Une voie de bois. 1460 fr.
    Neuf livres de chandelles de 8, à 100 fr. la livre. 900
    Sucre, 4 livres à 100 fr. la livre. 400
    Trois litrons de grains à 40 fr. 120
    Sept livres d’huile à 100 fr. 700
    Douze mèches à 5 fr. 60
    Un boisseau et demi de pommes de terre à 200 fr. le boisseau. 300
    Blanchissage du mois. 215
    Une livre de poudre à poudrer. 70
    Deux onces de pommade (à trois sous autrefois), aujourd’hui à 25 francs. 50

    4275 fr.
    Reste la nourriture du mois, le beurre et les œufs « à 100 fr. comme tu sais, la viande à 25 ou 30 fr. « et tout en proportion. 567
    Le pain a manqué deux jours ; nous n’en recevons plus que, de deux jours, l’un : surcroît de dépenses ; je n’en ai acheté, depuis deux jours, que 4 livres à 45 fr. 180

    5022 fr.

    « Quand je pense à cette dépense royale, comme tu dis, qui me fait employer 18 à 20 000 francs sans vivre et sans douceur aucune, j’envoie au diable le régime ; il est vrai que ces 20 000 francs représentent six à sept louis, et que mes 4000 francs (de pension) m’en donnaient cent soixante, ce qui est bien différent… Dix mille francs que j’ai éparpillés depuis quinze jours me font un tel effroi et une telle pitié que je ne sais plus du