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LA RÉVOLUTION


sourire atroce, il annonce à l’un d’eux, M. Miot, la bonne nouvelle. — Par malheur, après Thermidor, voilà Buchot destitué et M. Miot mis à sa place. Avec la politesse diplomatique, celui-ci fait visite à son prédécesseur et « lui témoigne les égards d’usage ». Buchot, peu sensible aux compliments, songe tout de suite au solide, et d’abord il demande à garder provisoirement son appartement au ministère. La chose accordée, il remercie, dit à M. Miot qu’on a bien fait de le nommer. « Mais moi, c’est très désagréable ; on m’a fait venir à Paris, on m’a fait quitter mon état en province, et maintenant on me laisse sur le pavé. » Là-dessus, avec une impudence admirable, il demande à l’homme qu’il a voulu guillotiner une place de commis au ministère. M. Miot essaye de lui faire entendre qu’il serait peu convenable à un ancien ministre de descendre ainsi. Buchot trouve cette délicatesse étrange et, voyant l’embarras de M. Miot, finit par lui dire : « Si vous ne me trouvez pas capable de remplir une place de commis, je me contenterai de celle de garçon de bureau. » — Il s’est jugé lui-même, à sa valeur.

L’autre, que nous avons aussi rencontré et que l’on connaît déjà par ses actes[1], général à Paris de toute la force armée, commandant en chef de 110 000 hommes, est cet ancien domestique ou petit clerc chez le procureur Formey, qui, chassé par son patron pour vol, enfermé à Bicêtre, tour à tour mouchard, matamore de spectacle forain, commis aux barrières et massacreur de Sep-

  1. La Révolution, VI, 235, 252, 261.