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LA RÉVOLUTION


bespierre. — Toutes ces lumières se rejoignent en une clarté terrible et qui s’impose même aux yeux qui s’en détournent : il est trop manifeste à présent que, pendant quatorze mois, la France a été saccagée par une bande de malfaiteurs[1] ; tout ce qu’on peut dire pour excuser les moins pervers et les moins vils, c’est qu’ils étaient nés stupides ou qu’ils étaient devenus fous. — À cette évidence croissante, la majorité de la Convention ne peut

  1. Cf. tome VII, livre III, ch. I et II, et tome VIII, ib., ch. III et IV. — Quantité de pièces, imprimées à cette époque, montrent la qualité des souverains locaux. Dans le département de l’Ain, les principaux étaient « Anselme, qui avait placé la tête de Marat sur sa boutique ; Duclos, menuisier, vivant, avant le 31 mai, de son industrie : il est devenu, depuis cette époque, un gros monsieur qui vit de ses rentes, achète des domaines nationaux, a des montres, des chevaux, des portefeuilles remplis d’assignats ; Laimant, tailleur d’habits endetté, a subitement meublé ses appartements avec tout le luxe de l’ancien régime ; il a des lits de 100 pistoles, etc. ; Alban, maire, qui apposait partout les scellés, était un serrurier, père de famille, qu’il soutenait de son travail : tout à coup il s’est reposé, a passé, de l’état de détresse où il était, à un état de splendeur ; il lui fallait des diamants, des bagues d’oreilles ; il avait toujours des habillements neufs, des chemises de toile de Hollande, des cravates de mousseline, des bas de soie, etc… Quand on a levé les scellés chez les détenus et chez ceux qui ont été guillotinés, on n’y a trouvé rien, ou du moins très peu de chose. Alban a été dénoncé et incarcéré pour s’être fait donner 400 livres par une femme de Mâcon, en promettant de s’intéresser à son mari… Voilà les patriotes de l’Ain. Rollet, l’un d’eux, avait tellement effrayé les campagnes que les habitants se sauvaient par champs à son approche ; il en a fait attacher deux, une fois, à sa voiture et les a conduits longtemps de cette manière… Un autre, Charcot (de Virieu), avant la Révolution, avait assassiné sur les grandes routes et avait été banni trois ans pour une action de ce genre. » — (Bibliothèque nationale, Lb, 41, no 1318 : La vérité en réponse aux calomnies dirigées contre le département de l’Ain, lettre de Roux, vendémiaire an III.)