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LA RÉVOLUTION


représentants du suffrage libre, de l’opinion mûrie et de l’expérience acquise, les seuls aux mains de qui la République, réconciliée avec l’ordre et la justice, ait chance de devenir viable, les seuls libéraux de fait. — Et voilà pourquoi les républicains de nom sont tenus de les écraser.

En effet, sous un gouvernement qui réprouve les attentats contre les personnes et les propriétés publiques ou privées, non seulement la théorie jacobine ne peut subsister, mais encore la pratique jacobine est flétrie. Or les Jacobins, même s’ils ont abjuré leurs principes, se souviennent de leurs actes. Dès l’arrivée du premier tiers, en octobre 1795, ils ont pris peur : « Les Conventionnels, écrit un des nouveaux députés[1], ne voyaient en nous que des hommes appelés à les livrer un jour à la justice. » Après l’entrée du second tiers, en mai 1797, leur épouvante a redoublé ; les régicides surtout sentent « qu’il n’y a de salut pour eux que dans la domination exclusive et absolue[2] ». Un jour, Treilhard, l’un de leurs notables, seul à seul avec Mathieu Dumas, dit à cet ancien Feuillant, ami de La Fayette, modéré et d’une loyauté connue : « Vous êtes de fort honnêtes gens, fort capables, et je crois que vous voulez sincèrement soutenir le gouvernement tel qu’il

    de royalisme (car ces principes ne peuvent leur être imputés), qu’ils sont condamnés à la déportation. Ils auraient soutenu la Constitution, mais en limitant l’autorité du pouvoir exécutif et en ôtant au Directoire les moyens d’acquérir et d’exercer une autorité illégitime. »

  1. Barbé-Marbois, Journal d’un déporté, préface, xvi,
  2. Mathieu Dumas, III, 84. 86.