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LA RÉVOLUTION


Non seulement leur domination, au lieu de vivifier l’État, le paralyse, mais, de leurs propres mains, ils démolissent l’ordre qu’ils ont établi. Légal ou extralégal, quel qu’il soit, peu importe : eux régnant, nulle constitution, même faite et refaite à leur guise, nul gouvernement, même celui de leurs chefs, ne peut subsister. Une fois maîtres de la France, ils se la disputent entre eux, et chacun d’eux réclame pour soi toute la proie. Ceux qui ont les places veulent les garder ; ceux qui ne les ont pas veulent les prendre. Il se forme ainsi deux factions dans la faction, et chacune d’elles, à son tour, refait contre l’autre le coup d’État qu’elles ont fait ensemble contre la nation. — Selon la coterie gouvernante, ses adversaires ne sont que des « anarchistes », anciens septembriseurs, affidés de Robespierre, complices de Babeuf, conspirateurs éternels. Or, comme en l’an VI, les cinq régents tiennent encore solidement la poignée du sabre, ils peuvent faire voter le Corps législatif à leur gré ; le 22 floréal, dans 49 départements, le gouvernement casse, en tout ou en partie, les élections nouvelles, non seulement celles des représentants, mais encore celles des juges, accusateurs publics, et hauts jurés ; puis, dans les départements et les villes, il destitue les administrations terroristes[1]. — Selon la coterie

    pas vécu à cette époque ne sauraient se faire une idée du profond découragement où la France était tombée dans l’intervalle qui s’écoula entre le 18 fructidor et le 18 brumaire. »

  1. Buchez et Roux, XXXVIII, 480 (Message du Directoire, 13 floréal an VI, et rapport de Bailleul, 18 floréal) : « Quand une élection de députés nous a présenté un mauvais résultat, nous