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Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 8, 1904.djvu/84

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LA RÉVOLUTION


les bijoux, confisqués pour le Trésor, s’arrêtent au passage dans les mains qui les ont saisis[1]. — À Poitiers, les sept coquins qui composent l’oligarchie régnante, reconnaîtront eux-mêmes, après Thermidor, qu’ils ont volé les effets des détenus[2]. — À Orange, « la citoyenne

  1. Tableau des prisons de Toulouse, 461 (Visite du représentant Mallarmé, 24 vendémiaire an III). Le ci-devant duc de Narbonne-Lara, âgé de 84 ans, détenu, dit à Mallarmé : « Citoyen représentant, pardonne si je reste couvert d’un bonnet : j’ai perdu mes cheveux dans cette prison, sans pouvoir obtenir la permission de faire faire une perruque. C’est pis qu’un bois. — Est-ce qu’on t’a volé quelque chose ? — On m’a volé 145 louis d’or, et on m’a donné en payement la quittance d’une imposition pour les sans-culottes, qui est un autre vol fait aux citoyens de cette commune, où je n’ai ni domicile, ni possession. — Qui t’a fait ce vol ? — C’est le citoyen Bergès, officier municipal. — On ne t’a pas volé autre chose ? — On m’a pris une cafetière d’argent, deux étuis à savonnette et un plat à barbe d’argent. — Qui t’a fait ce vol ? — Voici mon voleur, c’est le citoyen Miot (notable du conseil). » — Miot avoue qu’il a gardé ces objets et ne les a pas portés à la Monnaie. — Ib., 178 (20 ventôse an II). « On déchaussa les détenus, même ceux qui n’avaient qu’une paire de souliers, et on leur promit en échange des sabots, qui ne leur furent jamais donnés. On leur prit aussi leurs manteaux, en promettant de les payer : ce qu’on ne fît jamais. » — Souvenirs et journal d’un bourgeois d’Évreux, 93 (25 février 1795). Les séances de la Société populaire « furent en grande partie employées à lire les infamies et les voleries du comité révolutionnaire. Ses membres, qui désignaient les suspects, allaient souvent eux-mêmes les arrêter ; ils faisaient perquisition et dressaient procès-verbal, dans lequel ils omettaient de porter des bijoux et de l’or qu’ils avaient pu trouver. »
  2. Moniteur, XXII, 133 (séance du 11 vendémiaire an III, rapport de Thibaudeau). « Ces sept individus sont des scélérats, qui ont été destitués par les représentants du peuple et qui ont volé les effets des détenus. Il existe une délibération d’eux, consignée sur un registre, dans laquelle ils déclarent que, ne se rappelant pas la valeur des effets détournés, ils se soumettent à payer chacun à la nation, pour dédommagement, une somme de 22 livres. »