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LES GOUVERNANTS


mains grossières et rapaces. Quand, après Thermidor, le maître rentrera dans sa maison, ce sera le plus souvent dans une maison vide ; telle petite habitation dans le Morvan[1] a été si bien démeublée qu’une huche retournée sert de table et de chaises aux propriétaires pour y prendre, après leur retour, leur premier repas. — Et les détournements sont encore plus effrontés dans les villes que dans les campagnes. À Valenciennes, les chefs jacobins de la municipalité sont connus sous le nom de « brise-scellés et de patriotes au vol[2] ». À Lyon, les Maratistes qui s’intitulent « amis de Châlier » sont, de « l’aveu des Jacobins eux-mêmes, des brigands, des voleurs et des scélérats[3] ». Or ce sont eux qui, au nombre de trois ou quatre cents, composent les trente-deux comités de surveillance, et les cent cinquante principaux, « tous administrateurs », forment seuls la Société populaire. Selon eux, dans cette ville de 120 000 âmes, ils sont à peu près 3000, et ils comptent bien « se partager toute la fortune lyonnaise ». Cet énorme gâteau leur appartient ; ils n’admettent pas que des étrangers, des Parisiens, viennent y mettre la dent[4], et ils

  1. Alexandrine des Écherolles, Une famille noble sous la Terreur, 368.
  2. Archives nationales, AF, II, 65 (Lettre du général Kermorvan au président du Comité de Salut public, Valenciennes, 12 fructidor an III).
  3. Rapport de Courtois sur les papiers de Robespierre (pièces justificatives, 312 à 324). Lettres de Reverchon, 29 germinal, 7 floréal, 23 floréal, et de La Porte, 24 germinal an II.
  4. Ib., Lettre de La Porte : « Je ne sais par quelle fatalité les patriotes d’ici ne peuvent souffrir des frères qu’ils appellent des étrangers… Ils nous ont déclaré qu’ils n’en souffriraient