Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 8, 1904.djvu/92

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
88
LA RÉVOLUTION


« soirs, de franges d’argent et d’or, 32 pièces ou coupons de soie, » etc. Mais rien de tout cela n’est à lui ; ces belles choses appartiennent toutes au citoyen Monet, son père. Ce père prudent déclare qu’il les a réfugiées chez son fils « dans le courant de juin 1792 (vieux style) ; » un bon fils pouvait-il refuser ce léger service à son père ? Très certainement, en 93 et 94, sous la dictature municipale du jeune homme, le vieux n’a pas acheté cher aux fripiers de Strasbourg, et il a dû les trouver coulants en affaires ; mais de quel droit un fils, magistrat, aurait-il empêché son père, libre particulier, de vaquer à « son commerce », et d’acheter, selon la loi du commerce, aussi bon marché qu’il pouvait ?

Si tels sont les profits sur les ventes mobilières, quels seront-ils sur les ventes d’immeubles ! — Voilà le trafic sur lequel s’édifient les grandes fortunes des terroristes habiles ; ainsi s’expliquent « les richesses colossales dont jouissent paisiblement », après Thermidor, « ces fripons » avisés qui, avant Thermidor, étaient, chacun dans son canton, « de petits Robespierre », ces « patriotes » qui, autour d’Orléans, « bâtissent des palais », ces « exclusifs » qui, à Valenciennes, « ayant dilapidé la fortune publique et particulière, possèdent des maisons et biens d’émigrés qu’ils se sont fait adjuger cent fois au-dessous de leur valeur[1] ». De ce côté, les mains crochues se tendent

  1. Moniteur, XXII, 775 (Rapport de Grégoire, 24 frimaire an III). — Ib., 711 (Rapport de Cambon, 6 frimaire an III). — Archives nationales, AF, II, 65 (Lettre du général Kermorvan, Valenciennes, 12 fructidor an III).