Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 9, 1904.djvu/161

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
155
FORMATION ET CARACTÈRES DU NOUVEL ÉTAT


l’autorité et les moyens lui manquaient. Il n’avait pas la force que le pouvoir d’en haut communique à ses délégués d’en bas : on ne voyait pas derrière lui le gouvernement et l’armée ; tout son recours était dans une garde nationale qui se dérobait au service, qui refusait le service, ou qui souvent n’existait pas. — Au contraire, il pouvait impunément prévariquer, piller, persécuter à son profit et au profit de sa clique, car il n’était pas retenu d’en haut ; les jacobins de Paris n’auraient pas voulu s’aliéner des jacobins de province ; c’étaient là pour eux des partisans, des alliés, et le gouvernement n’en avait guère ; il était tenu, pour les garder, de les laisser tripoter et malverser à discrétion.

Figurez-vous un vaste domaine dont le régisseur est nommé, non par le propriétaire absent, mais par les fermiers, redevanciers, corvéables et débiteurs : je laisse à imaginer si les fermages rentreront, si les redevances seront fournies, si les corvées seront faites, si les dettes seront acquittées, comment le domaine sera soigné et entretenu, ce qu’il rapportera par an au propriétaire, comment les abus s’y multiplieront infiniment par omission et par commission, quelle sera l’immensité du désordre, de l’incurie, du gaspillage, de la fraude et de la licence. — De même en France, et pour la même

    plusieurs affaires dans lesquelles les tribunaux de Marseille et de Toulon ont jugé contre le texte précis de la loi et avec une partialité criminelle ». — Cf., aux Archives nationales, série F7, les rapports « sur la situation, sur l’esprit public » de plusieurs centaines de villes, cantons, départements de l’an III à l’an VIII et au delà.