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FORMATION ET CARACTÈRES DU NOUVEL ÉTAT


Paris se taire pendant quatre mois ; un jour, il oubliera de les convoquer, et personne ne s’apercevra de leur absence. — Quant au Tribunat qui parle trop, d’abord il le réduit à un minimum de paroles, « en les mettant à la diète de lois » ; ensuite, par l’entremise du Sénat qui désigne les membres sortants, il se débarrasse des bavards incommodes ; enfin, et toujours par l’entremise du Sénat, interprète, gardien et réformateur en titre de la Constitution, il mutile, puis il supprime le Tribunat lui-même. — C’est le Sénat qui est son grand instrument de règne ; il lui commande les sénatus-consultes dont il a besoin. Par cette comédie qu’il fait jouer en haut, et par une autre comédie complémentaire, le plébiscite, qu’il fait jouer en bas, il transforme son Consulat de dix ans en Consulat à vie, puis en Empire, c’est-à-dire en dictature définitive et légale, pleine et parfaite. De cette façon, la nation est livrée à l’arbitraire d’un homme qui, étant homme, ne peut manquer de songer avant tout à son intérêt propre. — Reste à savoir jusqu’à quel point et pendant combien de temps cet intérêt, tel qu’il le comprend ou l’imagine, sera d’accord avec l’intérêt public. Tant mieux pour la France si cet accord est complet et permanent. Tant pis pour la France si cet accord est partiel et temporaire. Le risque est terrible, mais inévitable : on ne sort de l’anarchie que par le despotisme, avec la chance de

    fera le budget et que seront élaborées les lois. » — On voit que le Corps Législatif, si docile, l’inquiétait encore, et très justement ; il prévoyait la session de 1813.