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LE RÉGIME MODERNE


ouvre une large brèche, si la prodigalité et l’incapacité des gouvernants y multiplient les lézardes et les fuites, il ne s’y trouve plus d’argent pour les services accessoires et secondaires ; l’État, qui s’en est chargé, s’en dispense : on a vu, sous la Convention et sous le Directoire, comment, ayant pris les biens de tous les corps, provinces, communes, instituts d’éducation, d’art et de science, églises, hospices et hôpitaux, il s’est acquitté de leur office ; comment, après avoir été spoliateur et voleur, il est devenu insolvable et s’est déclaré failli ; comment son usurpation et sa banqueroute ont ruiné, puis anéanti tous les autres services ; comment, par le double effet de son ingérence et de sa désertion, il a détruit en France l’éducation, le culte et la bienfaisance ; pourquoi, dans les villes, les rues n’étaient plus balayées ni éclairées ; pourquoi, dans les départements, les routes se défonçaient et les digues s’effondraient ; pourquoi les écoles étaient vides ou fermées ; pourquoi, dans l’hospice et l’hôpital, les enfants trouvés mouraient faute de lait, les infirmes faute de vêtements ou de viande, les malades faute de bouillon, de médicaments et de lits[1].

En second lieu, même quand l’État respecte ou fournit la dotation du service, par cela seul qu’il le régit, il y a des chances pour qu’il le pervertisse. — Presque toujours, lorsque les gouvernants mettent la main sur une institution, c’est pour l’exploiter à leur profit et à son détriment ; ils y font prévaloir leurs intérêts ou leurs

  1. La Révolution, tome VIII, 217n, 320n, 321n.