Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 9, 1904.djvu/222

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
216
LE RÉGIME MODERNE


la raison raisonnante qui, dans l’architecture sociale comme dans l’architecture physique, répugne au désordre, pose des principes, déduit des conséquences, et veut que toute œuvre soit l’application systématique d’une idée simple.

Bien pis, non seulement le bon goût est offensé, mais souvent encore le bon sens murmure. En pratique, l’édifice n’atteint pas son objet ; car il est fait pour loger des hommes, et, en beaucoup de pays, il est à peine habitable. À force d’avoir duré, il se trouve suranné, mal adapté aux mœurs régnantes : il convenait jadis et il convient encore à la vie féodale, disséminée et militante ; c’est pourquoi il ne convient plus à la vie moderne, unitaire et pacifique. Les droits naissants n’y ont point trouvé leur place à côté des droits acquis ; il ne s’est point assez transformé, ou il ne s’est transformé qu’à contre-sens, de façon à devenir incommode et malsain, à mal loger les gens utiles, à bien loger les gens inutiles, à coûter trop cher d’entretien, à gêner ou à mécontenter presque tous ses habitants. — En France, notamment, les beaux appartements, surtout celui du roi, sont, depuis un siècle, trop hauts et trop larges, trop somptueux et trop dispendieux. Insensiblement, à partir de Louis XIV, ils ont cessé d’être des bureaux de gouvernement et d’affaires ; par leur aménagement, leur décoration et leur ameublement, ils sont devenus des salons d’apparat et de conversation, dont les occupants, faute d’autre emploi, s’amusent à raisonner sur l’architecture et à tracer sur le papier le plan d’un édifice imaginaire