qui le touche ainsi à vif et à fond ; une parole, une simple idée est un aiguillon qui pénètre en lui presque aussi avant. Devant l’émotion de Dandolo qui plaide pour Venise, sa patrie, vendue à l’Autriche, il s’émeut et ses paupières se mouillent[1]. En plein Conseil d’État[2], parlant de la capitulation de Baylen, sa voix se trouble, et il s’abandonne à sa douleur jusqu’à laisser voir des larmes dans ses yeux ». En 1806, au moment de partir pour l’armée, quand il dit adieu à Joséphine, son attendrissement devient une attaque de nerfs[3], et l’attaque est si forte, qu’elle s’achève par un vomissement : « Il fallut l’asseoir, dit un témoin, lui faire prendre de l’eau de fleur d’oranger ; il répandait des larmes ; cet état dura un quart d’heure. » — Même crise de nerfs et de l’estomac en 1808, quand il se décide à divorcer ; pendant toute une nuit il s’agite et se lamente comme une femme ; il s’attendrit, il embrasse Joséphine, il est plus faible qu’elle : « Pauvre Joséphine, je ne pourrai jamais te quitter ! » Il la reprend dans ses bras, il veut qu’elle y reste, il est tout à la sensation présente, il faut qu’elle se déshabille à l’instant, qu’elle se couche à côté de lui, et il pleure sur elle. « À la lettre, dit Joséphine, il bai-
- ↑ Le maréchal Marmont, Mémoires, I, 306. — Bourrienne, II, 119 : « Hors du champ de sa politique, il était sensible, bon, accessible à la pitié. »
- ↑ Pelet de la Lozère, 7. — Champagny, Souvenirs, 103. L’émotion avait été bien plus forte encore au premier moment. « Depuis près de trois heures, la fatale nouvelle était entre ses mains ; il avait exhalé seul son désespoir. Il me fit appeler ;… des cris plaintifs sortaient involontairement de sa poitrine. »
- ↑ Mme de Rémusat, I, 121, 342 ; II, 50 ; III, 61, 294, 312.