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Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 9, 1904.djvu/91

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NAPOLÉON BONAPARTE


« triomphe en Italie ? Croyez-vous aussi que ce soit pour fonder une république ? Quelle idée ! une république de trente millions d’hommes ! Avec nos mœurs, nos vices ! où en est la possibilité ? C’est une chimère dont les Français sont engoués, mais qui passera avec tant d’autres. Il leur faut de la gloire, les satisfactions de la vanité ; mais la liberté, ils n’y entendent rien. Voyez l’armée : les succès que nous venons de remporter, nos triomphes ont déjà rendu le soldat français à son véritable caractère. Je suis tout pour lui. Que le Directoire s’avise de vouloir m’ôter le commandement, et il verra s’il est le maître. Il faut à la nation un chef, un chef illustre par la gloire, et non pas des théories de gouvernement, des phrases, des discours d’idéologue auxquels les Français n’entendent rien… Quant à votre pays, monsieur de Melzi, il y a encore moins qu’en France d’éléments de républicanisme, et il faut encore moins de façons avec lui qu’avec tout autre… Au reste, mon intention n’est nullement d’en finir si promptement avec l’Autriche. La paix n’est pas dans mon intérêt. Vous voyez ce que je suis, ce que je puis maintenant en Italie. Si la paix est faite, si je ne suis plus à la tête de cette armée que je me suis attachée, il me faut renoncer à ce pouvoir, à cette haute position où je me suis placé, pour aller faire ma cour au Luxembourg à des avocats. Je ne voudrais quitter l’Italie que pour aller jouer en France un rôle à peu près semblable à celui que je joue ici, et le moment n’est pas encore venu ; la poire n’est pas mûre. » —